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Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/185

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tiède et douillette, alors que l’on s’y réfugiait, après avoir été piqué jusqu’au sang par la bise du dehors.

Il y avait de ces nuits de campagne sinistres, sans lune, où l’on trébuchait, où l’on se cognait sur un mur que l’on croyait bien loin. Ces nuits-là, il se perdait en chemin ; sa lanterne l’égarait plus qu’elle ne l’éclairait ; elle semblait repousser les ténèbres à deux pas devant elle et les épaissir après ; et, les jours de giboulée, l’on avançait, aveuglé, au hasard sous la tourmente, changeant la lanterne de main pour réchauffer dans la poche les doigts gourds, pataugeant dans les ornières, luttant avec les caoutchoucs dans les flaques. Le quart d’heure de marche pour gagner l’église était interminable. Cahin-caha, il atteignait pourtant le porche du sanctuaire. Là, il était guidé par un point de feu, le trou de la serrure qui scintillait tel qu’une braise dans le noir de la porte ; et c’était avec joie qu’il éteignait sa lanterne et tournait le loquet.

Au sortir de l’ombre, au bout de la nef obscure, l’abside resplendissait. Des lampes allumées au-dessus des stalles rabattaient avec leurs abat-jour les lueurs sur les moines immobiles et l’impression de ces chants de pitié et de louange éclatant dans un village endormi, loin de tout, tandis que la neige assoupissait, derrière la porte, tous les bruits, était, en quelque sorte, radieuse comme une œuvre angélique et, comme une œuvre surhumaine, accablante.

Durtal arrivait généralement vers la fin des Matines, alors que les religieux debout entonnaient l’hymne brève le « Te decet Laus » et aussitôt après l’oraison, l’on chantait les Laudes.