Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/268

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se faufilait, souriant, regardant, toujours satisfait et toujours heureux. Il ne s’évadait de ses prières que pour se ruer sur le grec. Il en raffolait, mais les bons hellénistes manquaient au cloître et il était obligé de s’exercer tout seul ; c’était là le seul souci de cette existence qui s’écoulait dans la joie perpétuelle de vivre en Dieu, d’être moine.

Il avait été si peu gâté jusqu’alors, le pauvre enfant, qu’au point de vue matériel même, le monastère lui semblait être un rêve de confortable, un lieu de délices et de luxe.

Il avait été orphelin, seul, sans frère ni sœur, dès l’enfance, élevé par charité dans un établissement congréganiste ; il avait toujours mangé les ratatouilles et bu les débiles abondances des pensions ; il avait toujours couché en dortoir, n’avait jamais disposé d’une minute de liberté, d’un sou pour acheter même une image. À la fin de ses études, il était passé, sans aucune transition, de son collège au Val-des-Saints.

Et là, il était chez lui, il avait une cellule à lui ; la vie en commun, si pénible pour les laïques qui renoncent au monde, ne le gênait point, attendu qu’il ne se figurait pas que l’on pût vivre autrement ; la nourriture du couvent lui paraissait si bonne qu’il se privait de certains plats de peur de devenir gourmand ; et la liberté du noviciat lui semblait extravagante en comparaison de celle du pensionnat.

Et pourtant il avait des heures d’affliction. Un jour, il avait dit à Durtal qui lui demandait la raison de sa mélancolie : ah ! Ce que l’on souffre au cloître !

Durtal se perdait en conjectures, tout en essayant de