Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/359

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elle revient le droit, n’a réclamé la succession de l’art religieux, tombée en déshérence depuis la disparition de Cluny.

Oui, je sais bien, reprit Durtal, après un silence, en roulant une cigarette, des gens diront : l’art, est-ce bien utile ? N’est-ce pas un superflu, quelque chose comme un dessert, après un repas ? Eh, pourquoi n’en offrirait-on pas au Christ ?

On l’en a privé depuis la réforme et même avant ; il serait peut-être convenable de lui en redonner.

Il faut être bien ignorant, du reste, pour nier, en ne se plaçant même qu’au point de vue pratique, la puissance de l’art. Il a été l’auxiliaire le plus sûr de la mystique et de la liturgie, pendant le Moyen-Age ; il a été le fils aimé de l’église, son truchement, celui qu’elle chargeait d’exprimer ses pensées, de les exposer dans des livres, sur des porches de cathédrales, dans des retables, aux masses.

C’est lui qui commentait les evangiles et embrasait les foules ; qui les jetait, riant en de joyeuses prières au pied des crèches, ou qui les secouait de sanglots devant les groupes en larmes des Calvaires ; lui, qui les agenouillait, frémissantes, alors qu’en de merveilleuses pâques, Jésus, ressuscité, souriait, appuyé sur sa bêche, à la Magdeleine ou, qui les relevait, haletantes, criant d’allégresse, quand, en d’extraordinaires ascensions, le Christ, montant dans un ciel d’or, levait sa main trouée, d’où coulaient des rubis, pour les bénir !

Tout cela est loin — hélas ! dans quel état d’abandon et d’anémie se trouve l’église, depuis qu’elle s’est désintéressée de l’art et que l’art s’est retiré d’elle ! Elle