Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/434

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l’ombre, demandant au seigneur la force d’endurer l’épreuve et, après la messe, chacun s’en allait, sans échanger un mot.

Mon Dieu, se disait Durtal, en revenant chez lui, n’aurait-il pas mieux valu trancher l’amarre d’un coup, plutôt que de se traîner et de s’émietter, les uns et les autres, ainsi.

Enfin le départ du père abbé et du dernier groupe de ses pères fut fixé. La veille, aux vêpres, Durtal considérait, angoissé, le vieillard qui tenait la tête dans ses mains, sans bouger. Il la retira et, dans son visage contracté, les lèvres tremblaient. Il donna le signal de l’office, en frappant avec son petit marteau, sur le pupitre.

Et tandis qu’on psalmodiait d’abord none, Durtal se disait, en écoutant le psaume « In Convertendo », quelle ironie se dégagerait de ce psaume qui chante la joie du retour, s’il n’y avait point ce verset affirmant « que celui qui sème dans les larmes récoltera dans l’allégresse ». L’allégresse, la reverrons-nous jamais, ici ?

Et après les Vêpres, à ce moment où, avant de sortir de l’oratoire, chacun se recueillait, le front dans le scapulaire ramené sur la face, Durtal ne put s’empêcher de refouler ses larmes et de se crier, en lui-même : ah ! Bonne mère la vierge, et vous pauvre saint Benoît, c’est fini, la lampe s’éteint !

Il rentra, le cœur chaviré, à la maison. Mme Bavoil qui lisait un vieux bouquin près de son fourneau était, elle-même, assaillie par une crue de tristesse. Ils se regardèrent, en hochant la tête.

Mme Bavoil reprit son livre et lut à mi-voix :

« Pourquoi pensez-vous que si peu arrivent à la perfection ?