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LES FOULES DE LOURDES

Et toujours rien ne bouge.

Ce champ de la maladie que nous venons de suivre, cette récolte couchée sous l’averse des maux, me semblent, hélas ! bien perdus. Nous sommes arrivés à la moitié de notre course, aux marches du Rosaire et aucun impotent n’a été, dans un souffle divin, projeté debout.

Là, gisent, sur des brancards, les grands malades ; un homme, dont le visage couleur de feuille sèche, ouvre les yeux ; deux tisons, subitement allumés, flambent dans des paupières de cendre. Il fixe avidement la monstrance, puis tout s’éteint : son visage, éclairé une seconde, redevient un visage d’ombre ; la femme au mal de Pott, qui baigne dans son pus, n’ouvre même pas les yeux ; elle paraît être déjà hors de la terre ; d’autres également sont plongées dans le coma et la bouche d’une fillette que l’on essuie, écume ; plus loin, dans le rang serré des matelas, je retrouve la petite sœur blanche, la sœur Justinien qui paraît morte, exposée dans son panier comme dans un cercueil.

Ah ! j’ai le cœur angoissé, en la voyant. Je ne sais… je crois que celle-là va se dresser, que le ciel va enfin répondre à nos suppliques…

Le Saint-Sacrement l’enveloppe dans la croix de son éclair d’or. Elle demeure, inerte et livide…

Le prêtre accélère les invocations ; la foule les répète en un long grondement :