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LES FOULES DE LOURDES


Seigneur, celui que vous aimez est malade !
Seigneur, si vous le voulez, vous pouvez me guérir !


Et des bras se tendent vers l’ostensoir, des lèvres tremblent et balbutient, des mains se joignent qui retombent, désolées, après.

Le Saint-Sacrement passe.

Une femme, la tête dans ses doigts qui ruissellent, a le corps soulevé par des sursauts.

Et rien ne bouge, les alités restent étendus.

Voilà que je reconnais dans les rangs mes pauvres amis inconnus de l’hôpital ; dans le groupe des malades hollandais qui ouvrent des yeux bleus, tout noyés, dans des faces de panaris mûrs, dans des faces trop blanches, le petit gnome est enfoui sous des couvertures sur sa minuscule civière ; ses traits sont rigides, ses bras et ses jambes en fuseaux sont roides. Il dort ou est évanoui ; et voici le môme de Belley qui a la jambe emprisonnée dans sa gouttière de bois. La sœur bleue qui l’accompagne est prosternée sous son hennin et égrène son rosaire ; lui, regarde d’un air curieux, sans s’émouvoir.

Et le Saint-Sacrement passe.

On chante trois fois la strophe « Monstra te esse Matrem » que la foule répète en un immense écho qui se prolonge et résonne, repris là-haut, par les pèlerins installés sur la montagne du chemin de croix.