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LES FOULES DE LOURDES

auxquelles se mêle le patois des Pyrénées, l’on a le tympan percé par les notes stridentes du chalumeau d’un homme qui amène un troupeau de chèvres et vend du lait chaud à la tasse.

Des gamins courent, criant : le Journal de la Grotte ! lisiez les derniers miracles ! des fillettes, aux yeux effrontés, essaient de carotter aux passants des sous ; des religieuses filent, les paupières baissées, en récitant leurs chapelets ; des prêtres de province hasardent un regard de côté sur les prêtres étrangers qui fument ; et voilà qu’un tramway descend, bourré de femmes ; c’est un premier départ d’espagnoles qui vont rejoindre la gare ; et elles hanchent, braillent des vivat, poussent des cris de bêtes fauves, agitent des mouchoirs. Les autres espagnoles, assises au café et qui demeurent jusqu’à demain à Lourdes, leur répondent ; et les jeunes hollandaises auxquelles elles envoient des baisers se lèvent, les saluent de la main, leur souhaitent bon voyage. C’est une riposte de courtoisies, un échange de bonsoirs ; toute une fraternité s’est établie, sans même que l’on s’en soit aperçu, dans ce petit monde qui ne s’était peut-être pas encore parlé.

Le manteau de la Vierge couvre tout, ainsi qu’en ces très vieux tableaux de « Madones protectrices » où Marie, très grande, et debout, étend un large manteau d’hermine soutenu par deux saintes