Page:Huysmans - Les foules de Lourdes (1907).djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
154
LES FOULES DE LOURDES

plus voir ; j’ai tenté tout ce que je pouvais pour ces malheureux, j’ai ardemment imploré leur guérison. Je demande grâce, moi aussi, jusqu’à demain.

Le spectacle auquel on assiste, du bord de cette terrasse, est plus amusant, plus varié que celui de n’importe quel café des boulevards ; tout le cosmopolitisme de Lourdes défile devant nous et l’on n’entend même plus parler le français. Des vagues de foule déferlent, de la chaussée, sur les trottoirs. Les tramways, dont la station est en face de l’hôtel, roulent dans un bruit de ferrailles, sonnent des coups de timbres, sans arrêt, pour dégager les rails ; un bureau télégraphique, que l’on a provisoirement installé dans ces parages, est envahi ; c’est un va-et-vient de gens empressés qui entrent et qui sortent. Tout autour de nous flotte une odeur de poussière et de vanille ; des montagnards empestent Lourdes, du matin au soir, en promenant des paquets de vieilles gousses, aux sucs épuisés par les pâtissiers et les parfumeurs et fallacieusement ranimées par quelques gouttes d’essence ; des marchands de peaux de moutons, de tapis, de fourrures, auxquels manque sur la tête le fez des Juifs algériens de la rue de Rivoli, se glissent entre les tables du café et essaient d’écouler leurs marchandises aux femmes, et, dans un brouhaha de toutes les langues