Page:Huysmans - Les foules de Lourdes (1907).djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
LES FOULES DE LOURDES

couleurs disposées dans le sens vertical. Aucun de ces gens ne chante, mais des femmes à lunettes dont les dents s’évadent des gencives, croassent.

Un prêtre, habitué de Lourdes et que je connais, me dit : ces Anglais-là vont tout accaparer, prendre les meilleures places, exiger d’être en tête des cortèges, mais rassurez-vous, leur encombrant sans-gêne ne vous offusquera pas bien longtemps. Après-demain, tout ce monde-là sera parti en excursion ; ils ont amené peu ou pas de malades ; au fond ce sont plus des touristes que des pèlerins.

Nous redescendons ensemble sur l’esplanade.

— Comptez, poursuit ce prêtre, combien, malgré cette multitude de personnes qui prient, il y a peu de miracles certains pour le moment, à Lourdes. Cherchez la cause et vous la trouverez peut-être dans cette masse de curieux venus en automobiles de Pau, de Bagnères, d’Argelès, de Cauterets, de Luchon, de toutes les villes d’eaux des environs, pour commérer et s’amuser ici !

Et comme, à propos de l’indigence de cervelle et de la misère d’âme de la plupart de ces funestes snobs qui se déguisent en bêtes fauves pour écraser, dans un délire de vitesse, des femmes et des enfants sur les routes, l’entretien s’oriente sur les impulsions du satanisme, je me rends compte aussitôt combien un prêtre intelligent peut être incompréhensif dès qu’il s’agit d’art. Je lui parle de l’igno-