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LES FOULES DE LOURDES

d’un jaune de bouton d’or et d’un orange vif.

Et je croise à chaque instant des femmes qui reviennent de la forêt et balancent de lourds fagots sur leurs têtes. Dans ce pays, on porte tout ainsi, que le fardeau soit pesant ou léger, qu’il s’agisse de branches, de paniers, voire de minuscule paquet ; la question est d’avoir les mains libres et de pouvoir tricoter, en marchant.

Et ce sont aussi de lourds chariots en forme de berceau qui passent, traînés par des petits bœufs ayant une peau de mouton sur la tête et une serviette blanche autour du corps.

Tout en grimpant et en descendant, car il est quasi impossible, à Lourdes, de cheminer sur un terrain plat, j’arrive dans une gorge, près d’une source captée et d’un petit pont. Je suis dans la vallée du chaos. À perte de vue s’étagent des pics gigantesques gris, pelés, sans herbages, et de formidables débris, roulés d’en haut, jonchent le sol. L’on pourrait se croire à mille lieues de tout territoire habité, dans une nature absolument sauvage, si des poteaux télégraphiques n’étaient çà et là plantés dans les anfractuosités des versants et si le bruit des marteaux des tailleurs de pierres ne vous révélait que l’on vide, à mesure, en creusant des carrières, le flanc des monts.

Je m’assieds sur le rebord du petit pont. La joie de se trouver un peu seul ! — On se dégrise, car