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LES FOULES DE LOURDES

pieds pour voir ; des enfants sont à califourchon sur les épaules de leurs papas, des dames sont montées sur des bancs et sur des chaises ; les échelles des photographes sont envahies. L’on dirait d’une multitude en attente du bœuf gras. — Çà et là, pourtant, à l’écart, des prêtres lisent, placidement, leurs bréviaires ; — et tout à coup un frémissement passe dans la foule. Des cris retentissent : un miracle ! une femme se lève ! Magnificat ! J’aperçois les brancardiers qui courent à toutes jambes dans le cercle vide. Le plus sage est de filer dare-dare à la clinique, avant que tout le monde ne s’y précipite, pour être là lorsqu’on amènera cette femme.

Quand j’arrive, le Dr Boissarie cause avec une jeune fille assise dans un fauteuil, devant lui.

Elle raconte que, paralysée de la main et du bras droits, elle n’avait pas encore été guérie, dans les piscines ou pendant la procession, depuis huit jours qu’elle est à Lourdes, mais qu’elle l’a été subitement, ce matin, sur la montagne du Calvaire où elle s’était rendue pour faire, avant son départ de ce soir, un dernier chemin de croix.

La guérison eut lieu quand elle n’y comptait plus, juste au moment où, allant se retirer, elle prononçait en se signant, à la fin de ses prières, le mot Amen.

Et la petite agite son bras dans tous les sens et rit, en regardant avec complaisance une bague en