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LES FOULES DE LOURDES

pour la grâce de Dieu ; il peut puiser toute l’eau qu’il désire à la fontaine ; il peut s’asseoir dans toutes les églises, et devant la grotte, partout où il lui plaît, sans avoir jamais à dépenser un sou.

Le rêve d’une société qui serait propre se décèle, pour quelques mois, tous les ans, à Lourdes ; il est dû à cette vertu que saint Paul déclarait supérieure à toutes, à la charité ; et je songe mélancoliquement que si les préceptes du Christ étaient suivis, l’existence pourrait être clémente à tous ; mais c’est ici que l’utopie commence ; personne ne se soucie d’un prochain qui ne cherche la plupart du temps, d’ailleurs, qu’à vous exploiter et, d’autre part, les mécréants n’ont qu’un but, persécuter les catholiques, lesquels regrettent de ne pas disposer du pouvoir pour persécuter, à leur tour, les impies, oubliant que, s’ils ont le droit d’avoir des martyrs, leur religion, à eux, leur défend d’en faire.

Et, tandis que je rumine ces réflexions, la roue de feu tourne toujours ; mais elle dégage déjà moins d’étincelles, et, à mesure qu’elle se refroidit et s’éteint, un brasier s’allume au-dessous d’elle, dans la cuve formée devant le Rosaire, par le cercle des rampes. Toutes les lueurs des cierges sont tombées là ; et quand les rampes sont devenues tout à fait noires, quand la roue s’est arrêtée, une immense flambée d’incendie jaillit de la cuve.