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LES FOULES DE LOURDES

même ; tous sont certains que des infirmes abandonnés par les médecins peuvent, si la Vierge le veut, en un instant, guérir ; tous savent que des conversions impossibles, que des affaires inextricables peuvent s’accomplir et se dénouer, en un clin d’œil ; et dans cette multitude innombrable que ne contraint aucune police, jamais un désordre, jamais une dispute ; l’effervescence même que produisent des miracles, tombe d’elle-même. Il y a, dans cette cité de Notre-Dame, un retour aux premiers âges du christianisme, une éclosion de tendresse qui durera, tant que l’on restera sous pression, dans ce havre de la Vierge. On a l’idée d’un peuple composé de fragments divers et néanmoins uni comme jamais peuple ne le fut ; il se désagrégera, demain, par des départs mais il se reconstituera par l’arrivée de nouveaux éléments apportés par de nouveaux trains, et rien ne sera changé ; la piété sera pareille, la patience et la foi seront semblables. Lourdes, est, en somme, une principauté qui réalise et bien au delà les plus audacieuses chimères des philanthropes ; c’est la fusion temporaire des castes ; la femme du monde y panse et y torche l’ouvrière et la paysanne ; le gentilhomme et le bourgeois deviennent les bêtes de trait des artisans et des rustres et se font garçons de bains, pour les servir.

Le pauvre est hébergé, nourri, baigné, choyé,