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LES FOULES DE LOURDES

sur le dos, péniblement, la mère se retourne, en chavirant l’enfant. L’abri est une sorte de morgue où les cadavres restent habillés, mais dont les pieds déchaussés fument !

Et ce sont les grognements des dormeurs réveillés par le courant d’air glacé de la porte qu’on ouvre ; c’est le revers de la médaille du jour, la bête revenue dans l’écrasement d’un somme !

Mais ce camp couvert est indifférent aux véritables amoureux de la Vierge qui rôdent, éperdus, devant la grotte. Ceux-là n’aiment guère, pour la plupart, le vacarme des cohues et ils profitent de l’accalmie de ces quelques heures, pour se tenir frileusement auprès d’ElIe et la prier en paix.

Lourdes est une cité de noctambules qui compensent, par les excès de leur pieux surmenage, les excès peccamineux des noctambules des autres villes. Il sied d’avouer que si le Démon s’abat sur ce lieu de pèlerinages, ainsi que sur tous les sanctuaires voués à la Vierge, la défense des fidèles y est acharnée et que, pour une chute consentie dans l’ombre, il y a des centaines de conversions acquises par ces oraisons esseulées, par ces élans solitaires qui se produisent justement à ces heures tardives où la Madone n’en a plus.

Ces oraisons se joignent aux gerbes magnifiques des Clarisses qui commencent précisément, ici, l’of-