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LES FOULES DE LOURDES

ter éveillés et debout, car il n’y a plus ni jours, ni nuits à Lourdes ; la ville en fièvre a perdu le sommeil ; l’esplanade, les rampes, l’allée du Gave demeurent éclairées, à la lumière électrique, jusqu’à l’aube ; les hôtels sont illuminés ; la grotte, derrière ses grilles que l’on ferme, va consumer le bûcher toujours grandissant de ses cires.

Bien des pèlerins, assis sur les bancs, égrèneront devant la statue devenue claire dans le reflet des cierges, leurs chapelets jusqu’à l’aurore ; d’autres, pour combattre le froid marcheront, en chantant des Ave ; d’autres encore s’étendront, au chaud, dans l’église toujours ouverte du Rosaire et ils y somnoleront, exténués, écoutant, vaguement, ainsi qu’en un songe, les pétillements argentins des sonnettes brandies par les servants de messe ; d’autres enfin, iront rejoindre l’abri où, pêle-mêle, des pèlerins morts de fatigues s’entassent, mais, à cette heure, les places sont déjà prises. Le réveil de ces hospitalisés que je surpris, un matin, était affreux ; le sommeil qui les abat, ce soir, ne l’est pas moins. Ce sont des ronflements de gens anéantis par les digestions des lourdes charcuteries et des gros vins ; ce sont des soupirs de gens en proie à des cauchemars, de femmes qui rêvent. Des gamins sont couchés entre les jambes de leur mère, la tête appuyée sur leur ventre comme sur un oreiller et ce sont des plaintes étouffées, lorsque, lasse de reposer