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LES FOULES DE LOURDES

indifférent aux humiliations et aux souffrances, que vous ne serez plus qu’un objet animé entre les mains d’un Abbé dont le caractère peut être celui d’un tyran ou d’un gâteux et que, par vertu, vous ne serez plus, lorsqu’il touchera votre déclic, qu’une machine tournant sur ses propres aîtres, pour les broyer — et vous concevrez le volcan de révolte qui bout et gronde, prêt à exploser en vous !

Et cependant, il y a des humains qui subissent, patiemment, gaiement, tant ils aiment Dieu et en sont aimés, cet écrasement de leur volonté, qui se forcent à se taire et se submergent eux-mêmes dans l’heureuse indifférence que le Ciel apitoyé prépare ; telle me paraît être la bonne Abbesse des Clarisses ; mais pour une qui répond exactement à la vocation divine des cloîtres, combien d’autres que je connus — qui étaient gens de vertu, pourtant — et qui, après être entrés dans des monastères où il semblait que Dieu les voulût, en sont, n’en pouvant plus, sortis.

Ceux-là, après avoir enduré, sans trop regimber, bien des affronts, s’étaient rebellés, à un moment, contre des ordres qu’ils estimaient ineptes et qui l’étaient sans doute ; mais c’était là l’épreuve ; ils délibérèrent et ils furent perdus ; en une minute, le peu qu’ils avaient acquis, à force d’abnégation, croula ; il aurait fallu tout rejeter, ne rien garder de soi, se quitter entièrement et s’abolir. Ils