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LES FOULES DE LOURDES

le savaient, mais la nature vainquit la grâce ; et c’est, à de rares exceptions près, maintenant, le cas de tous.

Un moine admirable, devenu le général d’un des grands Ordres du monde, me disait un jour : « Le frère un tel que vous avez connu, est mort ; eh bien, vous ne rencontrerez plus son équivalent dans les cloîtres. » — Et, comme je me récriais, alléguant que j’avais vu, dans l’un de ses ascétères, de très pieux convers et d’ardents novices, — il me répondit : « Oui, sans doute, vous verrez encore de saintes gens, mais vous ne verrez plus des saints ; » et il ajouta : « On leur donne un ordre, ils l’exécutent aussitôt, mais ils cherchent, en eux-mêmes, à savoir pourquoi on leur a donné cet ordre et, dès lors, fatalement, ils sont amenés à le plus ou moins discuter. Cela suffit pour que la vertu d’obéissance s’affaisse ; elle n’est plus généreuse, elle n’est plus spontanée, elle n’est plus complète ; Dieu ne la bénit plus du moment qu’elle raisonne ! »

À quoi cela tient-il ? beaucoup, pour les hommes, à l’obligation du service militaire qui, s’il rend des services aux élèves des séminaires, en leur enseignant la vie, est déplorable pour les novices des instituts religieux qui n’ont nul besoin d’être instruits, par des entretiens de chambrées, de détails qu’ils auront peut-être bien du mal à oublier dans leur cellule.