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LES FOULES DE LOURDES

En tout cas, ils apprennent au régiment une discipline frondeuse, une dépendance subie mais exécrée ; ils apprennent à observer et à se méfier, à contester le bon aloi de certaines consignes, et ils rapportent avec eux ce levain, sinon de révolte, tout au moins de discussion, dans les couvents.

Cela tient aussi, d’une façon plus générale, à l’état morbide d’une société qui a été trop dupée par le mensonge des décors et par l’abus des apparences. Les scandales de chaque jour que l’on ignorait sans doute autrefois et que la presse propage maintenant jusque dans les coins les plus reculés de la province, nous ont pour longtemps allégés des égards et débarrassés des déférences.

Personne ne croit plus à l’honnêteté des hommes politiques, à la valeur des généraux, à l’indépendance des magistrats ; personne ne se figure que le clergé est composé de saints. Sans admettre des exceptions qui subsistent pourtant, on a jeté dans le même sac, les képis, les toques et les barrettes et envoyé le tout à la voirie ; c’est, actuellement, une sorte de malaria de l’irrespect ; et nul ne se soustrait à ce paludisme de l’âme ; tout le monde en est plus ou moins atteint, car l’on n’échappe pas à l’ambiance d’un temps, encore moins à la pression démoniaque qui se sent aujourd’hui plus intense que jamais… le diable est dans tout ce que