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LES FOULES DE LOURDES

colossalement riches, qui avaient, il y a de cela cinq ans, fait le vœu, le jour de la fête de saint Benoît Labre, de vivre comme lui, dans un linceul de crasse ; toutes deux, en haillons, sous leurs robes, se dispensaient de jamais se déshabiller et se laver ; l’aînée aux yeux farouches, aux traits fusinés par la poussière dont s’emplissaient ses rides, entretenait, dans son chignon, des garennes de poux qui couraient sur ses épaules pour rejoindre une autre colonie d’insectes campés dans son corsage. La cadette, non moins sale, se défendait pourtant de la vermine qui rongeait sa sœur, en ayant, sous un voile de crêpe, les cheveux ras…

Elles puaient ainsi que des étaux d’équarrissage et l’on fuyait à leur approche.

Que sont devenus aussi, ces hurluberlus de la piété et ces maniaques qui montaient, et descendaient sur les rampes, entraient dans le vestibule de la crypte, s’inclinaient en un salut, ici, et en un salut, là. En bas, à la grotte, ils baisaient la terre, se relevaient, allaient boire à la fontaine, retournaient baiser le sol, allaient embrasser le roc et rebuvaient. Et cela, pendant des heures !

Perdus dans l’immense foule des pèlerinages, je ne les ai pas, cette année, revus.

Pour en revenir à la crypte, il faut aujourd’hui me placer à la queue des pèlerins afin d’y pénétrer ; l’atmosphère est irrespirable, j’avance