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LES FOULES DE LOURDES

jours eues, grandirent. Celle qui avait réfléchi, lorsqu’elle était en extase, sur son visage transformé, comme en un lointain miroir, les traits apparus de Notre-Dame, n’eut plus qu’un désir, cacher sous un voile le souvenir du reflet divin ; elle envia d’être oubliée, loin des foules. Jamais elle n’eut de vanité et d’amour-propre et Dieu sait si elle était adulée « la bonne viergette », ainsi que l’appelaient les paysannes ! — Elle soupirait, honteuse de ces hommages : « Je suis donc une bête curieuse. » — Entendant, un jour, des gens qui disaient derrière elle : « si je pouvais couper un bout de sa robe ! », elle se retourna et, sans colère, mais d’un ton convaincu, elle s’écria : « que vous êtes imbéciles ! »

Au cloître, pour la maintenir dans la voie du renoncement, bien souvent on l’humilia devant ceux qui l’honoraient le plus et jamais on ne surprit un mot de mécontentement, un geste de dépit.

Elle eût voulu être Carmélite, mais sa santé ne lui eût pas permis de suivre l’implacable règle ; elle entra au couvent de Saint-Gildard, chez les sœurs de la Charité, à Nevers ; elle y fut infirmière très charitable et nonne très docile ; ses seuls petits défauts qui étaient l’entêtement campagnard et la bouderie s’effacèrent peu à peu. Dieu l’épurait, opérant un peu la besogne qu’elle ne pouvait acomplir. « Elle a été plus travaillée par Lui, qu’elle