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LES FOULES DE LOURDES

Ils sont débarqués depuis quelques jours et cette dame ne veut repartir que lorsqu’ils seront guéris. Le seront-ils ?

Je ne puis m’empêcher de songer, à propos d’elle. J’imagine que, dans son pays, tout le monde la blâma lorsqu’on la vit entreprendre un aussi coûteux et un aussi long voyage ; si elle revient, après tant de fatigues et de dépenses, bredouille, ce sera vraiment affreux, car tous les gens de soi disant bon sens triompheront de sa déconvenue et se moqueront d’elle.

Et puis la douleur d’avoir tant espéré, pour ne rien obtenir — le regret même de s’en aller, en se disant que peut-être si on était restée plus longtemps, la Vierge aurait fini par s’émouvoir ! il y a de quoi devenir folle ! — Mais non, en admettant même que Notre-Dame n’exauce pas ses prières, Elle lui accordera ainsi qu’aux autres, plus qu’aux autres, en échange de tant de foi, la patience et le courage, lui revaudra son échec par d’autres grâces !

C’est égal, je voudrais bien que le Ciel prît en pitié les angoisses de cette malheureuse !

À cette heure, la grotte désencombrée est douce ; le feutier fait son petit ménage des cires ; il va, vient, plante ses minuscules bosquets de feu, en arrache d’autres dont les dernières feuilles de fumée s’envolent ; et sa toque, sa figure, son tablier sont comme poudrés de givre. Des oiseaux pépient