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LES FOULES DE LOURDES

lence ; tous, agenouillés, s’absorbent, et il semble qu’il faille, maintenant que la grotte est encore abordable, se hâter d’obtenir de la Madone les grâces que l’on souhaite. On la tient encore, pour quelques heures, seule. Demain, les pèlerinages arrivés dans la nuit combleront la Grotte jusqu’à ses bords et il deviendra impossible d’y pénétrer, de se recueillir même, sur les bancs placés devant elle, car ce sera l’incessant tumulte des cantiques et des prêches.

Et il en sera de même de la source invisible dont l’eau coule par les douze ronmets de cuivre d’une fontaine installée à sa gauche. L’on devra faire queue pour remplir un bidon ou vider un verre. Aussi maintenant s’empresse-t-on d’y aller boire ; l’on se repasse les gobelets de fer blanc ; d’aucuns les lampent d’un trait, d’autres n’en avalent que la moitié et se versent le reste sur les mains et se frottent la figure et se bassinent les oreilles et les yeux avec. Les femmes ramènent leurs robes et les serrent entre leurs genoux pour ne pas se mouiller et l’on gronde des enfants qui s’éclaboussent en secouant des bouteilles trop pleines ; chacun prend ses précautions ainsi que dans une ville dont le siège est proche.

En attendant l’assaut annoncé des foules, le charme de ce Lourdes intime, sans bousculade et sans vacarme, agit ; l’on savoure la douceur d’une