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LES FOULES DE LOURDES

et les immenses chapelets spéciaux à Lourdes, des chapelets en bois teint en caramel fabriqués à Bétharram et valant six sous pièce, avec des chromos aigres de Bernadettes, en jupe rouge et tablier bleu, agenouillées, un cierge à la main, devant la Vierge, avec des statuettes de Lilliput et des médailles qui font songer à une monnaie de poupée, frappée à la grosse, dans des rebuts de cuivre ; et tous ces objets s’améliorent, enflent, grandissent à mesure que l’on se rapproche de la nouvelle ville ; les statues poussent, finissent, tout en demeurant aussi laides, par devenir énormes. Les chromos s’amplifient, déguisent en soubrette la fille de Soubirous ; le module des médailles augmente et leur métal change ; l’or et l’argent se montrent et lorsqu’on atteint l’avenue de la Grotte, c’est l’explosion de la bimbeloterie de luxe ! les chapelets ne pendent plus, en bottes, au dehors, mais ils reposent dans les vitrines, couchés sur un lit de ouate rose ; leurs grains sont maintenant en lapis, en corail, en améthyse, montés en argent ou en or, et des bibelots de papeterie, des porte-crayons, des porte-plumes, des presse papiers, en marbre divers des Pyrénées s’y mêlent, renforcés par l’article de Paris, par de la bijouterie du Palais-Royal, sanctifiée par une croix ajoutée ou une médaille.

Et c’est la concurrence effrénée, le raccrochage sur le pas des boutiques dans toute la ville ; et l’on