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LES FOULES DE LOURDES

des herses et des ifs, remuant le sol, saturé d’un engrais de suif, d’une poudrette de neige où les fleurs en ignition semblent pousser d’elles-mêmes et se reproduire avec le pollen des flammèches qu’emporte dans la fumée l’entrain des vents ; et il mouche le pistil en coton de ces fleurs, il émonde les tiges, échenille les vers blancs des coulures, déterre les racines qui s’éteignent, les jette, pour qu’elles achèvent de se consumer dans l’un des plateaux de l’entrée où elles agonisent, en des trognons de feu, car ici on brûle tout, honnêtement, au contraire des autres églises où les cirières soufflent les bougies à moitié usées, pour les revendre.

Puis il prend, comme une botte d’asperges, une poignée de petits cierges, les allume tous ensemble, d’un coup, les enfonce dans l’un des anneaux de la rampe du fond, quand le gros cierge qui remplissait le goulot de fer noir est mort. Les cierges foisonnent, se multiplient. Il y en a des wagonnets entiers qui attendent leur tour d’être déchargés et il trie ces bâtons blancs, les sépare ou les assemble, recolle, en les chauffant, ceux dont les troncs se cassent, surveille sans repos le luminaire, dépotant tel cierge qui traîne et languit, pour le replanter dans un endroit mieux exposé, moins garanti des brises ; et l’ouvrage est quand même à recommencer, car à mesure que les cierges meurent, d’autres naissent.