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LES FOULES DE LOURDES

lumignons qu’on allume en bottes, qui confondent leurs désirs et leurs flammes, qui s’unissent, ainsi qu’à l’église même, en une supplique commune. Ils sont bien l’image des miséreux, des gens du peuple qui s’entr’aident, alors que les cierges aristocratiques vivent, seuls, à l’écart.

Et c’est alors que la basse besogne du feutier de la grotte s’exhausse, devient sublime.

Cet homme qui n’envisage que la propreté de ses herses et de ses ifs, opère inconsciemment l’œuvre magnifique de la communion des âmes ; il assemble les oraisons, les dresse vers la Madone en des gerbes de feu ; il bouleverse les conditions ordinaires de la vie, en confondant les classes ; il les ramène aux préceptes des Évangiles ; il adjuve, en amalgamant les racines des gros cierges aux radicelles des petits qui achèvent de se liquéfier, les instances des riches, les unissant à celles des pauvres devant le Seigneur, forçant en quelque sorte la main à la Vierge, en augmentant le poids insuffisant de leurs prières, en sauvant les plus débiles par le secours des plus forts.

Ici, c’est la Société retournée, le monde à l’envers ; ce sont les indigents qui font l’aumône aux riches.

Le cierge, que les incrédules considèrent comme une des formes les plus puériles de la superstition, est l’agent le plus extraordinaire qui soit des âmes