Page:Huysmans - Les foules de Lourdes (1907).djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
LES FOULES DE LOURDES

monte lentement dans une rainure, creusée sur l’un des versants ; l’on dirait d’un ver blanc qui rampe ; c’est le funiculaire qui, tantôt en plein jour, tantôt dans l’ombre des tunnels, grimpe jusqu’à la cîme. Il semble que le soleil vanne du bien-être et blute de la joie sur la vallée où retentit le son du cor de chasse qui sert d’appel au marchand de chiffons dont la carriole apparaît sur la route, au loin.

Je descends pour assister à l’arrivée des fidèles du Finistère et du Morbihan ; les rues de la vieille ville et le pont débordent ; il faut jouer des coudes pour se frayer passage ; l’indolent troupeau des Bretons tourne sur lui-méme, piétine sur place, rabattu par ses prêtres qui le lancinent comme des chiens de garde ; mais les boutiques de bondieuseries hypnotisent les femmes et il devient nécessaire de les tirer par le bras, de les pousser par le dos pour les faire avancer. Mal éveillées, ahuries, elles regardent, ainsi qu’au sortir d’un songe, traînant avec elles de lourds paniers et des bidons, et la plupart des hommes vont, bras ballants, causant à peine, l’esprit gourd, ruminant, tel qu’un bétail, on ne sait quoi. La vérité est qu’ils sont éreintés par des nuits de chemin de fer et si dépaysés ! — Ils apportent au moins un peu de couleur locale dans le monotone assemblage des gris et des noirs des autres provinces. Les hommes ont gardé le cha-