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LES FOULES DE LOURDES

peau à ruban de velours, la veste et le gilet, bleu de roi ou violet d’évêque, passementés de broderies jaune serin et tiquetés de boutons à grelots de cuivre ; mais le buste seul a conservé la nuance et la forme du terroir ; le bas est quelconque, d’une laideur malpropre qui tranche avec la partie quasi-fraîche du haut. Une ceinture de zouave, d’un azur à laver le linge, limite les deux zones de la veste amusante et de l’ennuyeuse culotte, achetée dans les laissés-pour-compte des regratiers d’un port. Quelques-unes sont à ponts, mais elles sont, comme les plus modernes, tissées avec des laines de teinte purée de pois ou ardoise ; d’aucunes même, lissées et salies par l’usage, ont pris ce ton d’un brun gras qu’ont les olives noires ; un seul homme, dans tout le pèlerinage, arbore le costume complet avec les grègues et les jambières, couleur de cannelle, un vieux, grand et très droit, aux longs cheveux blancs, à la face rose, aux yeux secs et crus, en retrait dans un teint cuit.

Et presque tous ces marins ont des traits rigides, des épidermes d’ancien buis, des prunelles claires, de ce bleu froid qu’ont, dans le Finistère, les moutons noirs.

Les femmes grasses ou osseuses, avec des peaux de pelure d’oignons, salées par les embruns, des yeux lapis ou vert de mer, les jeunes filles aux têtes d’oiseaux et aux crânes durs, sont empaquetées