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LES FOULES DE LOURDES

pauvre vicaire de campagne ! et quel accent et quels yeux ! des yeux en feu et en eau, des brûlots qui flambent dans les larmes !

Et des voiturettes arrivent encore, charriant des paralytiques blêmes, les lèvres détendues, considérant on se demande quoi, par terre ; des hydropiques, la tête rejetée en arrière, comme pour ne pas voir l’obsédante panique de leurs ventres enflés, ainsi que des bonbonnes ; des phtisiques, creux et amers, dont les yeux vernis errent à la ronde ; des cardiaques étouffant, levant, dans leur effort pour mieux respirer, le cou en l’air.

Et l’on rapproche ces voiturettes les unes des autres, et voici le char à bancs des grands malades, étendus sur des matelas, placés sur des civières à manches : des hommes et des femmes livides, aux traits renversés, aux nez pincés, à la bouche marquée par deux lignes de cendre, aux yeux pochés d’un cercle de lilas, dans du blanc.

Les brancardiers s’empressent, descendent avec précaution les civières et les déposent aux portes des piscines, fermées par des rideaux.

Devant ces figures de la douleur qui passent, le prêtre, à genoux, fouette la foule, l’exaspère par les cris de pitié dont sa voix se brise.


Seigneur, sauvez nos malades !


Et le roulement furieux des Ave Maria reprend.