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LES FOULES DE LOURDES

plorent, avec la piété simple et forte de leur race, cette Vierge qu’ils sont venus de si loin pour vénérer. Après le chapelet, sans bruit, sous la conduite des sœurs, ils défileront, deux par deux, dans la grotte, baiseront le roc, en entrant par l’une des portes de la grille pour sortir par l’autre, puis ils iront boire, à la queue leu-leu, à la fontaine.

Je me rends aux piscines. La place, limitée par des barrières et fermée par des cordes tendues, devant les trois édicules, de style confusément gothique, collés au bas du rocher, sous le flanc de la basilique, à quelques pas de la grotte, est remplie de voiturettes d’infirmes ; et des brancardiers en bérets, avec leurs bretelles de cuir qui sont le « laissez-passer », le « coupe-file » de Lourdes, vont et viennent, remontent l’oreiller d’un malade en lui donnant dans un gobelet de fer-blanc à boire, très dévoués vraiment à ces malheureux qu’ils traînent, de l’hôpital aux piscines, en faisant le métier de bêtes de somme.

Un prêtre, à mine patibulaire, avec une barbe de cinq jours, issu d’on ne sait quel fond de province, se jette à genoux, les bras en croix, face au public. Il récite à haute voix le rosaire, invoque à grands cris la Vierge, la supplie de guérir les patients que l’on baigne et l’âme embrasée de ce prêtre illumine ses traits et, peu à peu, agit sur les spectateurs qui s’échauffent. Ce qu’il prie bien, ce