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LES FOULES DE LOURDES

mobilier se compose d’une chaise. C’est, dans cet obscur réduit que la Vierge, devenue servante de bains, travaille ; c’est dans ce bouge humide, avec cette eau putréfiée, qu’Elle opère.

Et l’on est pris d’angoisse, l’on tremble presque, faisant un brusque retour sur soi-même, quand l’on songe qu’Elle se tient, invisible, en cet étroit espace, qu’on la frôle peut-être, et que, dans une minute, Elle attestera, si elle le veut, sa présence, par une guérison !

Il faudrait avoir l’âme blanche de Bernadette pour oser rester sans vergogne aussi près d’Elle ! On se sent bien petit, un peu honteux même de se promener là, en simple curieux, mais, après tout, l’on n’est pas sans doute inutile puisqu’on vient la prier pour les infirmes, puisqu’on ne lui parle pas de soi, mais d’eux !

Et, machinalement, on la cherche, et l’on ne voit que sa pauvre effigie peinte sur un carreau ou moulée dans du plâtre. — Ah ! ce que ce n’est pas Elle ! — On regarde cette eau qui pourrait refléter son sourire, si elle n’avait perdu, dans la boue des plaies qu’on y trempe, la faculté de réverbérer la moindre image ; elle est opaque et elle est morte ; et pourtant, non, elle vit, attentive et docile, prête à obéir, depuis les Apparitions, aux ordres du Prophète et du Psalmiste qui lui enjoignirent, bien avant que le Fils ne fût né, de célébrer ses louanges,