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LES FOULES DE LOURDES

n’avait pas décollés, flottent. On le retire, on lui plaque, tant bien que mal, après les avoir trempés dans la piscine, ses linges de pansement et un jeune prêtre couché tout habillé, sur un matelas, lui succède. Celui-là se meurt d’une maladie de cœur, arrivée à la dernière période. On lui déboutonne sa soutane, on écarte sa chemise, et, sur l’ordre du Monsieur qui inscrit les bains, on lui fait simplement des lotions sur la poitrine.

Les porteurs s’en retournent ; ce sont maintenant des cris affreux, les cris d’un malheureux enfant qui supplie qu’on ne le baigne point !

Je vais dans les autres cabines ; le spectacle est le même ; des infirmes gisent sur des brancards, tandis que l’eau remue encore et clapote contre les parois de la baignoire ; par instants des bouffées d’iodoforme passent dans l’air empuanti par les haleines amères et les plaies ; partout, traînent des bouts de charpie, des morceaux d’ouate couverts de sanie et de sang.

L’eau est devenue un hideux bouillon, une sorte d’eau de vaisselle grise, à bulles, et des ampoules rouges et des cloques blanchâtres nagent sur cet étain liquide dans lequel on continue à plonger des gens.

Le miracle permanent de Lourdes est là ; on jette dans des récipients contaminés des malades, sans attendre qu’ils aient achevé la digestion de leur repas ; on trempe jusqu’au cou des femmes,