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LES FOULES DE LOURDES

La malheureuse fut débarquée à Lourdes sans qu’on pût les recouvrir, car le moindre contact la faisait hurler ; elle prit son premier bain à la piscine, ce matin et, en une minute, les plaies séchèrent et devinrent indolores ; elle supporte maintenant, sans même la sentir, cette couche de ouate et, la soulevant, la dame ajoute : Voyez, Monsieur. — Et je vis des pieds qui n’en étaient plus ou qui n’en étaient pas encore, deux éponges d’un rouge obscur, mais deux éponges sèches. Ni sanie, ni sang, ni odeur, rien. — Encore quelques bains et Notre-Dame l’aura complètement guérie, reprend, en souriant, la dame.

Je regarde cette enfant et je cherche vainement à discerner ce qu’elle pense ; les traits sont taciturnes, comme reculés ; l’œil parle, mais il dit quoi ? une résignation infinie, une sorte d’indifférence d’elle-même… il est à la fois lointain et dolent, il est surtout grave. Est-elle absorbée en Dieu ou seulement abasourdie par ce brusque changement d’une intolérable souffrance en un repos très doux ? je ne sais…

Par contre, quelle délicieuse femme que cette petite vieille, fine et distinguée, si charitable, si dévouée à sa malade ! Elle a subi, à son âge, les fatigues d’un long voyage pour assister cette éclopée de la vie, qui n’est pas de son monde, qu’elle connaît à peine ; et elle vous entretient de cela, si