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LES FOULES DE LOURDES

Ici, l’une se dresse subitement et, prise de hoquets, rend le sang à pleine bouche, tandis qu’une dame accourue la soutient et lui essuie avec une serviette les lèvres ; là, c’est une autre qui jette d’une voix rauque une brève clameur et se tord, pendant qu’on s’empresse autour d’elle, qu’on lui mouille les tempes, qu’on lui fait respirer des sels, tout en l’assurant que ses tortures vont se terminer, que la Vierge va la guérir.

Au premier rang, sur la couverture d’un lit pas ouvert, la tête appuyée sur deux oreillers, une figure étrange est étendue, habillée, et les pieds cachés sous un tampon de ouate ; une vieille dame, assise près de cette jeune fille qui est plutôt une enfant, me raconte sa désolante histoire.

Cette petite a la gangrène dans les deux pieds. On s’est décidé à l’envoyer à Lourdes, mais personne ne voulut rester avec elle dans le wagon, tant l’odeur échappée de ses ulcères était fétide ; le pus coulait en une telle abondance qu’il perçait tous les linges et qu’il fallut poser au-dessous d’elle un seau ; les douleurs qu’elle éprouvait étaient si aiguës qu’elle couvrait avec ses cris les sifflets du train ; à un moment, ne sachant plus comment la soulager, cette brave dame, qui avait consenti à demeurer dans le compartiment, seule avec elle, défit les pansements et lui mit les pieds à la portière, pour les éventer et les rafraîchir.