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LES FOULES DE LOURDES

fuie pas, en passant par le voile du palais perforé, un malheureux est obligé pour boire de se renverser la tête et de se pincer le nez…

Dans un autre coin, un homme, atteint d’une adénite, s’enfle d’une grosseur de la taille d’une citrouille, qui part de l’oreille et envahit le cou. Le crâne penche sous le poids et l’homme absorbe sa pitance, couché tout d’un côté…

Mais, dans cette cour des Miracles, il y a pis… un paysan, amené par le pèlerinage de Coutances, déjeune, seul, tel qu’un enfant puni, la figure contre un mur ; il se retourne pour demander du pain… oh !

Il lui pend d’un trou informe et limoneux, qui fut jadis une bouche, une langue énorme. La peau molle et violette, comme enduite de gomme, qui la recouvre, semble morte, mais le dedans remue et vit. Les joues sont descendues avec leurs poils, mais le menton est où ? comment peut-il avaler ? et cependant il mâche sa viande, mais en cachette, car cette langue, pleine d’on ne sait quoi qui brandouille, dégoûte même les lupus !

Ah ! Seigneur, tout de même, songez que vous avez revêtu, pour nous racheter, la livrée humaine et ne fût-ce qu’en souvenir de ce lamentable corps que vous avez sanctifié, en le prenant, ayez pitié de celui-ci, guérissez-le !

Rappelez-vous l’image de votre Sainte Face ; elle était douloureuse, elle était sanglante, mais elle