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LES FOULES DE LOURDES

très près, sont les modèles du genre ; ils sont, en tant qu’administrateurs, parfaits, mais en tant qu’hommes, c’est autre chose.

Ils forment, à Lourdes, une bande à part. Nous, quand on nous appelle pour donner un coup de main, nous y allons, sans nous préoccuper de savoir si le pèlerin qu’il s’agit de traîner ou de baigner, est français ou non. Eux pas ; ils ne veulent assister que les Belges ; leur compassion est patriotique et leur charité nationale.

Il semble du reste que cet égoïsme et que ce besoin de bien-être qu’ils ont importés, depuis quelques années, à Lourdes, n’aient pas tourné à l’avantage de leurs malades, car, après avoir obtenu, au temps des premiers pèlerinages, de nombreux et de retentissants miracles, ils en obtiennent beaucoup moins maintenant. Jadis, ils venaient en troisième classe et ne quittaient pas les alités ; aujourd’hui, ils ont construit un train médical composé de wagons de première, de sleeping-car, avec une chapelle pour célébrer la messe en route ; c’est le comble du confortable ; puis, une fois débarqués ici et, leurs impotents casés, la moitié des infirmiers et des infirmières prend la poudre d’escampette et part en excursion dans la montagne. Ils ont fait, en un mot, du pèlerinage une partie de plaisir ; et très certainement, là-haut, ces nouvelles mœurs ne plaisent point.