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LES FOULES DE LOURDES

jeune fille impotente et jolie que vers une vieille, plus touché également par les tortures d’un enfant que par celles d’un homme. Tout le monde, je crois, se mesure à ce même étalon de sensibilité. Ajoutons encore que des sympathies que ne déterminent point, cette fois, l’avenance plus ou moins accentuée des traits, la différence des sexes, le degré plus ou moins pitoyable des douleurs subies, naissent pour les uns et pas pour les autres. L’on cause avec ces alités-là, alors que l’on n’éprouve aucun désir d’interroger leurs voisins et dès lors une sorte de lien s’établit avec eux et l’intérêt plus spécial qu’on leur porte s’explique ; mais la raison même de cette sympathie reste, dans ce cas, obscure ; elle dérive d’une impulsion que l’on serait bien en peine d’analyser. Enfin il y a parfois aussi, dans cette préférence, la présence d’un tiers qui vous tient plus à cœur que le malade même, mais qui vous le fait, par ricochet, aimer.

Tel est, je pense, le cas de cette petite, aux pieds gangrenés, que je vais revoir ; certes, je ne suis pas indifférent au sort de cette enfant qui a enduré le plus épouvantable des martyres, mais je suis plus requis, je le confesse, par l’héroïque dévouement de cette bonne vieille dame qui la soigne et qui est si contente que l’on vienne prendre des nouvelles de sa protégée. La petite va de mieux en mieux ; évidemment, ses pieds ne sont pas ce qu’on pourrait ap-