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LES FOULES DE LOURDES

les joues sont d’une pâleur extraordinaire, les paupières sont closes, les lèvres ont le ton de la pierre-ponce. Un prêtre-brancardier cause avec une religieuse qui la garde ; il me mêle à la conversation et m’apprend que sœur Justinien a vingt-six ans, qu’après avoir été atteinte d’une pleurésie suivie d’hémoptysies, elle est, depuis un an, immobilisée par une coxalgie avec raideur articulaire et déformation du membre inférieur. Elle a la jambe enfermée dans un appareil plâtré et son état d’épuisement est tel qu’on s’étonne qu’elle puisse encore vivre.

Dans la salle des hommes, que je parcours, il y a des cancéreux au teint de paille, des poitrinaires aux yeux moirés, un vieillard dont le visage peint en bronze décèle le mal d’Addison, des paralytiques, des gens qui se traînent sur des béquilles ; peu d’ulcères, visibles du moins, mais une sorte de lèpre qui boursoufle la face d’un homme dont la peau semble travaillée au repoussoir, dans un cuir grenu, couleur de lie de vin.

Et je monte au premier ; dans une des salles occupées par le pèlerinage de Belley qui vient d’arriver et qui s’installe, les sœurs du Saint-Esprit s’empressent ; elles portent le magnifique costume des religieuses de l’hôpital de Beaune — elles appartiennent, en effet, au même Ordre — la robe bleue à vastes manches serrées au poignet et le hennin de toile blanche, le costume resté intact des mo-