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LES FOULES DE LOURDES

niales du xve siècle. L’une d’elles console un enfant qui pleure, la jambe emprisonnée dans une gouttière de bois ; celui-là est, comme la petite moniale du bas, tuberculeux et coxalgique ; il a sur la jambe et sur les reins des éruptions d’abcès. La sœur me dit que le voyage fut pénible, non à cause de cet enfant, mais à cause de l’une de leurs poitrinaires qui a failli mourir en wagon, dans un crachement de sang ; et elle ajoute que tout cela est oublié, qu’il va falloir maintenant ramener ses malades guéris ; et ce qu’elle l’espère, cette charmante vieille sœur avec son regard candide et son à peine de sourire, très doux !

Je la quitte et me croise dans un couloir avec deux aveugles dont l’un a des yeux en laitance de poisson cuit et l’autre en croûte de bondon gras et ils sont conduits par un ophthalmique qui voit assez clair pour se guider mais dont les paupières retournées exsudent sans arrêt, le long des joues, de leurs liserés de jambon saignant, des traînées de larmes ; et, en les contemplant, le souvenir me hante du tableau du vieux Breughel où les gestes tâtonnants et les apparences des diverses cécités sont si bien rendus. Je pénètre maintenant dans une autre salle ; là, parmi les alités amenés par les Hollandais, figure un vrai gnome, un petit garçon enfoui, tout habillé, sous une couverture, coiffé d’un chapeau tyrolien de feutre vert.