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LES FOULES DE LOURDES

Il a une tête de bossu, blanche, comme échaudée, sans une expression, sans un pli ; il ressemble, étendu sur le dos, avec la gibbosité de sa poitrine qui bombe sous la couverture et ses membres grêles, à une grenouille. Il paraît insensible, plongé dans une sorte de coma. On me répond simplement, quand je demande quel mal a pu le réduire à un état pareil : « il a la colonne vertébrale pourrie. »

Quant aux autres invalides du même pèlerinage, entassés dans cette chambre, ce sont des incurables mais dont l’existence peut se prolonger, ce sont surtout des scrofuleux et des infirmes.

Ça sent le pouacre, ça sent le fade ; j’éprouve le besoin de changer d’air et, en sortant de l’hôpital, je me heurte sur un pèlerinage qui chante avec des voix poussiéreuses et traînantes :


Chez nous, dans la Vienne,
Nous vous aimons tous.
Ô Marie, soyez Reine,
Chez nous, chez nous !


Je n’ai pas de peine à reconnaître, en considérant la dégaîne lourde et musarde de ces hommes et de ces femmes et en écoutant l’air bébête et gnan-gnan de ce cantique, que ces pèlerins appartiennent à la race subalterne du Poitou.

Je fuis, pour les éviter, par une autre route, et,