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VOYAGES

me dit : « Tu resteras près de nous en qualité d’hôte pendant trois jours, puis tu partiras. »


D’UN FAIT ÉTONNANT DONT J’AI ÉTÉ TÉMOIN DANS L’AUDIENCE DE CE PRINCE.

J’ai vu, pendant l’audience de ce sultan, un homme qui tenait dans sa main un couteau semblable à celui d’un grappilleur (sorte de serpette). Il le plaça sur son propre cou, et se mit à parler longtemps dans une langue que je ne compris point. Après cela il saisit le couteau avec ses deux mains à la fois, et se coupa la gorge. Sa tête tomba par terre, à cause du tranchant acéré de l’arme et de la force avec laquelle il la tenait. Je restai tout stupéfait de son action ; mais le sultan me dit : « Est-ce que chez vous quelqu’un agit de la sorte ? » Je lui répondis : « Jamais je n’ai vu pareille chose. » Il sourit et reprit : « Ces gens-ci sont nos esclaves, et ils se tuent par amour pour nous. » Puis il donna des ordres afin que l’on emportât l’individu qui s’était suicidé, et qu’on le brûlât. Les lieutenants du sultan, les grands de l’État, les troupes et les sujets assistèrent à la crémation,