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IBN-ABD-EL-HAKEM.

retourna en Égypte[1], sans y laisser de gouverneur, et sans y établir de cairouan[2]. Abou-’l-Asoued, client d’Ibn-Lahîa[3], rapporte qu’Oweis lui avait fait le récit suivant : « Nous accompagnâmes Abd-Allah-Ibn-Sâd dans son expédition contre l’Ifrîkïa, et il partagea entre nous le butin, après en avoir prélevé le quint. Chaque cavalier eut trois milles dinars pour sa part, deux mille pour son cheval et mille pour lui-même, et chaque fantassin reçut mille dinars. Un des fantassins mourut à Dat-el-Hammam, et, après sa mort, sa famille reçut mille dinars.[4] »

  1. Théophane, dans sa Chronographie, raconte ces événements de la manière suivante :
    « A. M. 6138. Première année d’Othman, chef des Arabes. En cette année, le patrice Grégorios, soutenu par ses Africains, se met en révolte. »
    « A. M. 6139. En cette année, les Sarrasins font une expédition en Afrique et, ayant livré bataille au tyran Grégorios, ils le mettent en fuite et détruisent son armée. En vertu d’un traité, les vainqueurs imposent des contributions sur les Africains et s’en retournent. »
    Le mot tyran dans ce passage montre évidemment que Grégoire avait pris la pourpre.
  2. On voit que le mot cairouan est employé ici avec le sens d’entrepôt, ou place d’armes.
  3. Abd-Allah-Ibn-Lahîa, célèbre traditionniste, mourut en l’an 174 (790).
  4. Je regarde la première partie de cette tradition comme fausse, tout en admettant que le fantassin dont il est question eût rapporté un butin de mille dinars. Mais je dirai que cet homme avait pillé pour son propre compte : métier que les Arabes ont toujours entendu à merveille ; et j’ajouterai que la personne qui fabriqua cette tradition a cru que cette somme provenait en entier du partage égal du butin entre tous les individus de l’armée. Il a donc déclaré que chaque fantassin avait reçu mille dinars ; et, comme le cavalier devait recevoir une triple part, notre traditionniste Oweis lui en donne généreusement trois mille. Ibn-Abd-el-Hakem ajoute ici une autre version de la même tradition, mais c’est toujours Oweis qui parle. La nouvelle version nous apprend que l’homme avait reçu deux mille dinars pour sa part. Selon Ibn-Abd-el-Hakem, la masse du butin fournit trois mille pièces d’or à chaque cavalier et mille à chaque fantassin, et cela après le prélèvement du cinquième pour le compte du trésor public. L’armée d’Ibn-Sâd se composait de vingt mille hommes. Disons dix mille d’infanterie et autant de cavalerie, et supposons que la pièce d’or valait dix francs. Le butin
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