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378 PROLÉGOMÈNES

lier et de délier, d'ordonner et de prohiber, de diriger les affaires de l'empire et de surveiller l'état de l'armée, du trésor et des for- teresses, il s'imagine que tout cela appartient naturellement au vizir et le lui abandonne. Ce ministre consolide ainsi son autorité, prend une forte teinture de l'esprit de commandement et de domination , et finit par exercer une puissance absolue, qu'il transmet^ à ses fils ou à ses parents. C'est ainsi que firent, en Orient, les Bouïdes, les Turcs (qui étaient au service du khalifat), Kafour el-Ikhchîdi et d'autres, et qu'El-Mansour Ibn Abi Amer s'empara du pouvoir en Espagne. Quelquefois le souverain que l'on retient en tutelle, sans lui laisser la moindre influence, cherche à se dégager des filets où il se trouve pris, et à saisir le commandement qui lui appartient de droit. Il songe d'abord à châtier l'usurpateur, soit en lui donnant la mort, soit en le destituant; mais des tentatives de cette nature réus- sissent très-rarement : une fois le pouvoir tombé entre les mains des vizirs et des courtisans, il y reste presque toujours. La séquestration du sultan est amenée ordinairement par les progrès du luxe : les enfants du souverain, ayant passé leur jeunesse dans les plaisirs, P. 336. oublient le sentiment de leur dignité d'homme^ et, habitués à vivre dans la société de nourrices et de servantes, ils contractent, en gran- dissant, une mollesse d'âme qui les rend incapables de ressaisir le pouvoir; ils ne savent même pas la différence entre commander et se laisser dominer. Satisfaits de la pompe dont on les entoure, ils ne cherchent qu'à varier leurs plaisirs sans se soucier d'autre chose. Aussitôt que la famille impériale est parvenue à enlever l'autorité au reste de la nation, les affranchis et les clients s'emparent de fesprit du sultan. Cela arrive nécessairement dans tous les emjjlres, ainsi que nous l'avons déjà fait observer. (La mollesse du souverain et l'ambition de son entourage,) voilà les deux maladies dont un em- pire ne se guérit que très-rarement. Dieu donne le pouvoir à qui il veut. {Coran, sour. ii, vers. 2/18.)

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