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D'IBN KHALDOUN. 379

Le ministre qui tient un souverain en tutelle se garde bien de prendre les titres et les attributs de ia royauté.

Depuis l'établissement de l'empire, les aïeux du souverain régnant avaient exercé l'autorité souveraine. Ils ia devaient au sentiment de nationalité qui animait sa famille , au patriotisme qui la distinguait et qui lui avait acquis le dévouement de toute la nation. L'esprit de commandement et de domination, esprit dont la famille royale a contracté une forte teinture, se conserve dans sa postérité et garan- tit la durée de l'empire. Si le fonctionnaire qui parvient à tenir le souverain dans sa dépendance a un fort parti dans cette famille, ou dans le corps des clients et des affranchis, ce parti, peu habitué au commandement, se laisse entraîner par celui des grands et se confond avec lui; aussi le ministre, tout en s'emparant du pouvoir, ne laisse pas percer son désir d'usurper le trône; il se contente des avan- tages de la royauté , c'est-à-dire , du pouvoir d'ordonner et de prohiber, de lier et de délier, de décider et d'annuler. Par cette conduite' il amène les grands de l'empire à croire qu'il agit d'après les instructions que le souverain lui transmet de son cabinet^, et qu'il ne fait qu'exé- P. 337. cuter les ordres du prince. Bien qu'il se soit emparé de toute l'auto- rité, il évite* d'usurper les marques, les emblèmes et les titres de la souveraineté, afin de ne pas faire soupçonner ses projets ambitieux. La portière, qui, depuis le commencement de l'empire, dérobait le sultan et ses aïeux à la vue du public *, sert aussi à cacher les empié- tements du ministre et à faire accroire au public que ce fonction- naire n'est que le simple lieutenant du prince. S'il laissait échapper le moindre trait qui pût faire deviner ses véritables intentions, la fa- mille royale et tous les autres partis qui existent dans la nation se mon- treraient indignés de son audace ^ et tâcheraient de lui arracher le pou-

' Les manuscrits C et D et l'édition de ' Le mot oi>j1i=>. est à l'accusatif, comme

Boulac portent La^ «dans ce qu'il fait,» l'équivalent de i>t\A-St- à la place de cjUju. ' Pour ^, lisez ^^.

' Litt. « de l'autre côté de ia portière. » ' Pour *aAc , lisez *^. Le mot tJuùJ

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