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120 PROLÉGOMÈNES

Quand la décadence d'un empire commence , rien ne l'arrête.

Nous avons signalé successivement les divers accidents qui annon- cent la décadence d'un empire et fait remarquer les causes qui les pro- duisent. Ces accidents lui arrivent naturellement, avons-nous dit, parce qu'ils sont tous dans la catégorie des choses qui lui sont naturelles. La décadence des empires, étant une chose naturelle, se produit de la même manière que tout autre accident, comme, par exemple, la décrépitude qui affecte la constitution des êtres vivants. La décré- pitude est une de ces maladies chroniques qu'il est impossible de • 07. guérir ou de faire disparaître; car elle est une chose naturelle, et de telles choses ne subissent pas de changement. Plusieurs souverains, d'une grande prévoyance politique , s' étant aperçus des accidents et des causes qui avaient amené la décadence de leurs empires, et croyant à la possibilité de la faire cesser, ont essayé de guérir l'Etat et d'en ré- tablir le tempérament normal ; cette décadence, dans leur idée , ayant eu pour cause l'incapacité ou la négligence de leurs prédécesseurs. Ils se trompent cependant i; les accidents dont il s'agit sont naturels aux empires, et ce qui empêche d'y remédier^, ce sont les habitudes (qui s'y sont introduites). Or les habitudes sont une seconde nature : le prince, par exemple, qui a vu son père ou les chefs de sa famille porter toujours des vêtements de soie et de brocart, se servir d'armes et de harnais ornés d'or, et ne pas permettre au public de s'approcher d'eux quand ils tiennent des assemblées ou qu'ils assistent à la prière, ce prince ne peut pas s'écarter des usages de ses prédécesseurs pour se revêtir d'habits grossiers, renoncer à la parure et se mêler au peuple. La coutume ne le lui permet pas, et, s'il essayait de le faire, il s'exposerait à l'animadversion publique : on le traiterait de fou ou de visionnaire , parce qu'il aurait brusquement abandonné les usages reçus, et cela aurait des suites fâcheuses pour son autorité. Voyez ce qui arriva aux prophètes quand ils condamnèrent les usages établis

' Pour ^j^ , lisez jj-^j. insère L^; le manuscrit D et l'édition de

' Après le mot iaiUt , le manuscrit C Boulac insèrent jJ.

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