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ROSMERSHOLM

kroll. — Vous aussi.

brendel, s’adressant à tous. — Quelqu’un ici aurait-il approfondi mes écrits ?

kroll. — Non, je dois avouer que…

rébecca. — J’en ai lu plusieurs. Mon père adoptif les possédait.

brendel. — Belle châtelaine — en ce cas vous avez perdu votre temps. Tout cela c’est du radotage.

rébecca. — Vraiment ?

brendel. — Ce que vous avez lu, oui. Mes seules œuvres remarquables ne sont connues ni des hommes ni des femmes — elles ne le sont que de moi-même.

rébecca. — Comment cela se fait-il ?

brendel. — Parce qu’elles n’ont jamais été écrites.

rosmer. — Mais, mon cher monsieur Brendel…

brendel. — Tu sais, Jean, mon enfant, que je suis une espèce de sybarite, un délicat. J’ai toujours été ainsi. J’aime à jouir dans la solitude, car alors je jouis dix fois, vingt fois plus. Tu comprends… quand les rêves d’or venaient me visiter, quand je sentais naître en moi des pensées nouvelles et que des idées vertigineuses, d’une envolée superbe, m’emportaient au loin sur leurs ailes — je les transformais en vers, en visions, en images. Tout cela dans de vastes propositions, — tu comprends.