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ROSMERSHOLM

c’est ça ! — C’est peut-être la cause qui t’a fait quitter le service de l’Église ?

rosmer. — Oui. Quand ma conviction s’est faite, — quand j’ai acquis l’entière certitude, que ce n’était pas là une tentation passagère, mais quelque chose dont je ne pourrais, ni ne voudrais jamais me défaire — je suis parti.

kroll. — Ainsi cet état de chose a subsisté longtemps, et nous, — tes amis, nous n’en avons rien su. Rosmer, Rosmer, — comment as-tu pu nous cacher la triste vérité !

rosmer. — La chose, me semblait-il, ne relevait que de moi-même. Et puis, j’ai voulu t’épargner, à toi et aux autres, un chagrin inutile. Je pensais pouvoir continuer à vivre ici, tranquille, content, heureux. Je voulais lire toutes ces œuvres qui m’étaient restées inconnues jusqu’alors et m’appliquer à leur étude, m’acclimater tout à fait dans le monde de la liberté et de la vérité qui venait de m’être révélé.

kroll. — Renégat ! Chacune de tes paroles en témoigne. Mais alors pourquoi cet aveu de ta désertion ? Et pourquoi juste en ce moment ?

rosmer. — C’est toi, Kroll, qui l’as voulu.

kroll. — Moi ?

rosmer. — Ce que j’ai appris de ta violence dans les réunions, — de tes discours dépourvus de charité, de tes sorties haineuses contre ceux qui ne