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PRINCIPES MATHÉMATIQUES

tendu, & on ne doit l’adorer ſous aucune forme ſenſible. Nous avons des idées de ſes attributs, mais nous n’en avons aucune de ſa ſubſtance. Nous voyons les figures & les couleurs des corps, nous entendons leurs ſons, nous touchons leurs ſuperficies extérieures, nous ſentons leurs odeurs, nous goûtons leurs ſaveurs : mais quant aux ſubſtances intimes, nous ne les connoiſſons par aucun ſens, ni par aucune réflexion ; & nous avons encore beaucoup moins d’idée de la ſubſtance de Dieu. Nous le connoiſſons ſeulement par ſes propriétés & ſes attributs, par la ſtructure très-ſage se très-excellente des choſes, & par leurs cauſes finales ; nous l’admirons à cauſe de ſes perfections ; nous le révérons & nous l’adorons à cauſe de ſon empire ; nous l’adorons comme ſoumis, car un Dieu ſans providence, ſans empire & ſans cauſes finales, n’eſt autre choſe que le deſtin & la nature ; la néceſſité métaphyſique, qui eſt toujours & partout la même, ne peut produire aucune diverſité ; la diverſité qui régne en tout, quant au tems & aux lieux, ne peut venir que de la volonté & de la ſageſſe d’un Etre qui éxiſte néceſſairement.

On dit allégoriquement que Dieu voit, entend, parle, qu’il ſe réjouit, qu’il eſt en colere, qu’il aime, qu’il hait, qu’il deſire, qu’il conſtruit, qu’il bâtit, qu’il fabrique, qu’il accepte, qu’il donne, parce que tout ce qu’on dit de Dieu eſt pris de quelque comparaiſon avec les choſes humaines ; mais ces comparaiſons, quoiqu’elles ſoient très-imparfaites, en donnent cependant quelque foible idée. Voilà ce que j’avois à dire de Dieu, dont il appartient à la philoſophie naturelle d’examiner les ouvrages.

J’ai expliqué juſqu’ici les phénoménes céleſtes & ceux de la mer par la force de la gravitation, mais je n’ai aſſigné nulle part la cauſe de cette gravitation. Cette force vient de quelque cauſe qui pénétre juſqu’au centre du Soleil & des planétes, ſans rien perdre de ſon activité ; elle n’agit point ſelon la grandeur des ſuperficies, (comme les cauſes méchaniques) mais ſelon la quantité de la matiere ; & ſon action s’étend de toutes parts à des diſ-