Page:Ivoi - Femmes et gosses héroïques.djvu/137

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le froid cingle de mille piqûres ; la neige pulvérisée s’enlève sous les patins, en brouillards blancs ; la clarté des lanternes plaque un disque de lumière dans un tunnel de ténèbres… Dans ce disque passent, en formes imprécises, telles des illustrations de légende, des arbres dépouillés, aux branches noires, tendues tragiquement vers le ciel, des poteaux télégraphiques, supports de fils métalliques qui vibrent douloureusement dans la nuit, des clôtures rustiques, des masures abandonnées.

Parfois une forme sombre se dessine sur la neige. Un soldat, rompu de fatigue, est tombé. Le sommeil du froid l’a pris, et, sans en avoir conscience, il a passé de la vie au néant.

On ne s’arrête pas ; faire halte, c’est vouloir ressembler à ces morts jalonnant la ligne de retraite. Le repos n’est admis qu’à l’arrivée au village où l’on cantonnera.

Et fourbu, gelé, les yeux pleurant sous la morsure du gel, j’aperçois l’agglomération espérée, follement, je puis le dire, et qui-