Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pression qu’un état d’âme de son interlocutrice ne lui fut point révélé.

Le petit est atteint d’une fièvre cérébrale. Dans le délire, il parle, il combat, il se défend. Des mots, toujours les mêmes, reviennent sans cesse à ses lèvres :

— Le Crâne ! Assassins ! Lily ! Lilian, me voici !

Puis, un peone de l’hacienda de Agua Frida, est arrivé au campement. Il raconte une scène terrible.

Pariset, devenu fou, tuant la servante Trina, se tuant lui-même, et l’enfant, la petite Lilian, disparue. On la cherche partout, sur l’ordre du général Frey Jemkins, le grand négociant de San-Francisco, le cousin dévoué de la veuve, arrivé trop tard pour prévenir l’épouvantable drame.

Marahi connaît Frey, sans aucun doute, car elle a caché au peone la présence de Jud et de Lilian.

Des Indiens de la tribu ont emporté le malade, délirant, jusqu’au rivage de la mer Vermeille. Ils l’ont déposé dans une pirogue, où la femme rouge a pris place avec la petite Lilian.

Ainsi on a traversé le long golfe resserré entre la presqu’île Californienne et la côte de l’État de Sonora.

C’est dans une caverne de cette immense province, à la population clairsemée, où les Indiens errent encore, libres et indépendants, que le gamin, arraché à la mort par les soins de Marahi, reprend conscience de la vie.

Et quand, avec les forces, revient la pensée du devoir qu’il s’est imposé : protéger la petite Lilian, la remettre en possession de sa mère, de ses biens, Marahi marque une terreur incompréhensible :

— Ne lutte pas contre le Crâne… tu serais brisé.

Il résiste, se cabre contre ces conseils de prudence, dont il ne soupçonne pas les motifs réels. Alors, elle ajoute ces mots, qui, souvent depuis, ont hanté le cerveau de Jud Allan :

— Oui, oui, tu es vif, impatient comme il convient à ceux de ta race ; mais je ne permettrai pas que tu entraînes dans l’abîme celle que tu as miraculeusement sauvée. Pars pour San-Francisco ; observe… tu reviendras ensuite. Si tu crois encore au succès, je ne m’opposerai plus à tes desseins. Va, brave enfant, la pauvre Indienne souhaite ton bonheur.

En effet, guidé par des hommes rouges, Jud gagne la frontière des États-Unis. Il se rend à San-Francisco.

Là, il comprend que sa voix ne sera pas entendue, si