Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

dekhan, Lucien croient percevoir des rumeurs assourdies. Cela ressemble à des gémissements lointains, modulés de façon barbare. Qui donc gémit ainsi ?

— Il faut voir !

Sur ces mots prononcés d’une voix ferme, le Maître du Drapeau Bleu se porte résolument en avant.

À quelques mètres de Dodekhan, les gamins, escortés par le duc de la Roche-Sonnaille, s’avancent, réglant leurs pas sur celui du Maître.

On contourne l’angle de la galerie. Le sol à présent est formé de strates simulant un escalier irrégulier, aux marches rudes et inégales.

La montée est lente ; à hauteur de Dodekhan, les panthères filent le long des parois. L’ascension continue, brisante, interminable. Ah ça ! cet escalier naturel ne finira donc jamais ?

Cependant les gémissements deviennent plus nets. Soudain le Turkmène se retourne ; il lance eut avertissement chuchoté :

— Les jeunes tigres !…

Tous tressaillent. L’instant de la lutte prévue est-il arrivé ? Mais Dodekhan reprend :

— Ils sont seuls… Ils appellent… Sans doute, ils ont faim.

Il s’est remis en marche. Tous le suivent. Leur allure s’est accélérée. S’ils atteignent le repaire des fauves, c’est qu’ils sont peu éloignés de l’issue, de la fin de la soif ardente qui les torture depuis si longtemps.

Un cri de stupeur jaillit de leurs lèvres desséchées. Des rauquements féroces ont résonné sous les voûtes ; puis un bruit de ruée éperdue.

Et l’organe de Dodekhan appelle :

— Arrivez !

Il y a de la joie dans l’accent du jeune homme.

Tous se jettent en avant, escaladent les derniers degrés rocheux, et par une déchirure dentelée font irruption dans une salle spacieuse, dont la torche du Maître du Drapeau Bleu éclaire à peine les parois.

Aux pieds du Turkmène, les panthères noires labourent voluptueusement de leurs griffes les corps rayés de deux petits tigres, frères sans doute de celui qui a pénétré naguère dans leur première prison.

Mais le Cri de triomphe qui monte à la bouche de